Comment avez-vous eu l’idée d’écrire cet essai, quelle est sa genèse?
On peut facilement voir cet essai comme une suite logique de Je veux être un esclave!, mon premier livre publié chez Poètes de brousse en 2016. Mais, alors que celui-ci se présentait comme un recueil de textes assez courts publiés dans différents médias écrits, ici, je prends le temps de développer d’une manière plus systématique ma vision de l’éducation tout en explorant de nouveaux thèmes. En fait, le goût d’écrire ce livre m’est venu à force de voir passer toutes ces horreurs au sujet de l’éducation qu’on peut lire sur le Web, sur Facebook en particulier et dans les médias écrits en général. Pendant des semaines, des mois, j’ai compilé des centaines d’articles dans lesquels s’exprimaient tous les lieux communs, les clichés, les trouvailles du siècle et autres billevesées sur l’éducation, et ce, autant en provenance d’enseignants, de pédagogues, de parents, de directeurs d’institution d’enseignement que de notre propre ministre de l’Éducation. D’ailleurs, le préambule de mon livre, qui à l’origine était deux fois plus long, s’inspire directement de ce travail de recensement. C’est donc face à toutes ces inepties qu’a germé en moi le désir d’écrire ce livre qui se veut résolument polémique. Dans L’école amnésique, je pointe du doigt, je dénonce et surtout je cite et donne mes sources, quitte à froisser ou à embarrasser pas mal de personnes qui œuvrent dans le monde de l’enseignement et de l’éducation.
Quelles citations vous habitent ?
Dans ce livre, on retrouve plusieurs citations intéressantes sur la culture que j’ai glanées au fil de mes lectures. « L’homme est par nature un être de culture », nous dit Arnold Gehlen. « La culture n’est point un heureux accident ou un luxe : c’est la définition même de l’homme », renchérit Jean Lacroix. Mais celle que je préfère est tirée du livre de François-Xavier Bellamy, Les Déshérités, alors qu’il affirme ceci : « La transmission de la culture revêt en effet une portée essentielle : ce qui est augmenté par elle, ce n’est pas l’acquis, l’avoir, le capital culturel de l’individu, mais son être même. » Ce thème ou cette idée est au cœur de L’école amnésique. Pour moi, la culture, tout comme le savoir en général, n’est pas une matière inerte et encombrante qu’on aurait avantage à entreposer quelque part dans un nuage numérique, comme le pensent certains, afin de libérer notre esprit pour qu’il puisse s’adonner à des tâches plus essentielles : développer sa créativité, son sens critique, etc. La culture est plutôt consubstantielle à notre être. C’est grâce à la culture et à travers elle que la bête humaine peut devenir pleinement homme. C’est à même cette matière première, cette substance symbolique que l’Homme peut se constituer, prendre forme et s’élever au-dessus de sa condition de simple animal.
Quels sont les penseurs/philosophes que vous appréciez le plus?
Étant donné que j’ai fait ma maîtrise en philosophie sur Emmanuel Kant, il est certain que ce dernier occupe une place de choix chez moi. Mais les œuvres de Jean-Jacques Rousseau, de Platon, Montaigne, Homère, Sophocle, Eschyle, en plus de tous les auteurs contemporains qu’on retrouve dans la bibliographie de mon essai alimentent sans cesse mes réflexions. Comme je tente de l’exprimer dans ce livre, c’est à travers les autres, en se nourrissant de la pensée de ceux qui nous ont précédés qu’on parvient à construire son identité, à sortir de son petit moi, à devenir ce que l’on aurait jamais pu soupçonner pouvoir devenir un jour.
Si vous étiez nommé Ministre de l’Éducation, quelles seraient vos trois premières décisions afin d’améliorer le système d’éducation québécois?
Dans une déclaration solennelle, j’affirmerais haut et fort que les enseignantes et les enseignants sont les véritables pédagogues, des maîtres pédagogues. Je rehausserais rapidement leur salaire afin de rendre cette profession plus attrayante et demanderais ensuite aux facultés des « sciences » de l’éducation qu’elles soient beaucoup plus exigeantes pour ce qui est de la sélection de leurs candidats et qu’elles obligent ces futurs maîtres à acquérir une solide formation disciplinaire, soit au moins l’équivalent d’un baccalauréat dans la discipline qu’ils auront à enseigner.
À part l’écriture et la philosophie, quels sont vos autres intérêts/occupations?
Les voyages. J’aime bien être dépaysé, sortir pendant quelques semaines de mon quotidien. L’Europe, la Polynésie française, le Mexique, le Honduras, la Palestine, Israël, Haïti, Cuba, La Guadeloupe, Bonaire, la Martinique, Tobago; et au cours des quatre dernières années : la Grèce, encore et toujours ! La plongée sous-marine est une autre de mes passions. Le fait de me retrouver à des dizaines de mètres sous l’eau dans les mers du sud et toujours en compagnie de mon appareil photo, me permet de décrocher complètement et de vivre pleinement le moment présent. Des minutes et des heures de pur bonheur lorsque tout est sous contrôle…
Réjean Bergeron est professeur de philosophie au cégep Gérald-Godin. Il a été conseiller politique, chargé de Mission pour Médecins du Monde Canada et conseiller en affaires internationales au Service de l’Action Humanitaire Internationale. Il a fait des missions en Haïti et en Palestine.
Entretien mené par Myriam Vincent.
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