1) Comment en êtes-vous venus à collaborer ensemble pour ce projet?
Nous nous connaissons depuis nos études au Baccalauréat interdisciplinaire en arts de l’Université du Québec à Chicoutimi. Notre intérêt pour le regard d’auteur en art et notre amour de l’observation et du document ainsi que des contextes dans lesquels nous évoluons ont toujours animé nos pratiques et réflexions, et ont fait de nous de bons amis.
Notre désir de collaborer concrètement ensemble à un projet date d’une rencontre sur le plateau de tournage d’un ami commun. J’avais déjà quelques poèmes pour un livre de poésie lorsque Nicolas m’a montré les photos qu’il a prises de la ferme maraîchère de son père. Comme nous avions des préoccupations esthétiques, politiques et intimes assez similaires, les photographies et le texte ont dialogué assez aisément. Le livre est devenu Derniers souverains.
Pour La maison est vivante, comme je poursuivais la recherche entamée avec le livre précédent, notamment sur la paternité, j’ai décidé de voir avec Nicolas s’il avait du matériel susceptible d’accompagner le texte
3) Comment est-ce que cette collaboration a influencé votre démarche artistique habituelle?
Nicolas : Ma démarche habituelle en photographie documentaire est le plus souvent axée sur ma relation au sujet, et la réussite du propos dépend de mon degré d’acceptation dans un contexte étranger à mon quotidien. La plupart du temps, je travaille en photographie noir et blanc, avec des appareils de différents formats, en pellicule. Cette fois, plutôt axé sur l’errance au long cours, j’ai documenté sur trois ans, à l’aide de mon téléphone intelligent, les images qui se révèlent autour de moi. Tantôt en ruralité, où je passe la majeure partie de ma vie, parfois avec mes enfants, et souvent lors de mes voyages, je prends des notes avec cet appareil mobile. Toutes en couleurs, et en format carré, c’est une recherche lumineuse, toujours en cours actuellement.
Emmanuel : Je ne sais pas s’il s’agit d’influence ou plutôt de regards similaires qui se rencontrent, des regards qui utiliseraient différents médiums pour parler d’un même sujet. L’influence est inconsciente, elle est intrinsèque à notre amitié. Cette collaboration nous aide Nicolas et moi à mieux voir le monde, du moins à créer des réflexions.
4) Pourquoi avoir choisi le thème de la filiation pour ce projet collaboratif? Qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans ce thème?
Nicolas : Emmanuel a entamé la réflexion menant au projet de livre, et nous avons par la suite sélectionné à travers 125 images celles qui nous semblaient aborder le thème. Nous cherchions des indices de présence humaine, ou parentale, sans nécessairement avoir de corps. Nous cherchions une certaine intemporalité dans le décor. Nous cherchions ce qui peut survivre à nos familles.
Personnellement, je me sens directement lié au thème par le fait d’être père de trois enfants, d’une part, et par le fait d’avoir pu user de tout l’enseignement venant de mon propre père
Emmanuel : Étant moi aussi père, j’ai voulu questionner ce que c’était de le devenir, de l’être avec toute la vulnérabilité et la colère, la tendresse aussi que cela peut provoquer chez moi. N’ayant pas connu mon père, je voulais aussi chercher par le biais du poème à devenir ce que je n’avais pas connu.
5) Quels artistes vous inspirent dans votre démarche artistique?
Emmanuel : Depuis longtemps me suit Notes sur le cinématographe de Robert Bresson qui m’aide à voir plus clair. J’aime beaucoup les journaux/carnet d’écrivain.e ou encore les correspondances qui permettent de plonger dans la démarche de ces derniers.es. Aussi, sans considération de temps ou d’époque, les voix de Martine Audet, Jean-Marc Desgent, d’Annie Lafleur, de Pierre Michon, de Dante Alighieri et de Gustave Flaubert me sont chères, et j’y reviens souvent.
Nicolas : Mon travail est très influencé par les photographes de la tradition du reportage, tels que Robert Frank, Bruce Gilden ou Raymond Depardon, autour du concept de l’errance photographique, mais aussi par des photographes qui pratiquent les projets au long cours ou la mise en scène en contexte documentaire comme Alec Soth, pour ne nommer que celui-ci. Plusieurs cinéastes m’influencent aussi, comme Pierre Perreault, Werner Herzog, Pedro Costa ou Carlos Reygadas.
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